CONFÉRENCE DE PRESSE
Mesdames et Messieurs,
Le 8 février 2018 prochain, les cheminots manifesteront à Paris pour dénoncer une politique anti ferroviaire du gouvernement qui se confirme, et dont les rapports Duron et Spinetta devraient être des éléments structurants :
- Après l’ouverture à la concurrence du Fret qui a tué l’activité en passant de la politique de volumes à une politique de marges, le gouvernement réfléchit à son désengagement final par la filialisation de l’activité. Des milliards d’euros de déficit cumulés ont été brulés par les différentes compagnies pour une part modale largement en baisse par rapport à la seule SNCF avant concurrence.
Aucune perspective de relance n’est apportée (les projets concernant les voies des ports et les autoroutes ferroviaires sont des marchés de niche qui, en volume, ne permettront pas de reprendre une part modale significative). Nous sommes donc bien face à un abandon.
Au passage, aucune étude n’est menée sur le coût pour les collectivités du report modal sur les camions, alors qu’un poids lourd de 38 t équivaut à 1 000 000 de véhicules légers en termes de dégradation de la route.
Sur les infrastructures, une perspective de suppression de lignes et de réduction de dessertes appelée pudiquement « recentrage sur le domaine de pertinence du mode ferroviaire » est envisagée. Or, cela a toujours un effet néfaste sur l’ensemble du réseau. Aucune solution pérenne n’est apportée sur le financement puisque la reprise de la dette de SNCF Réseau, qui est évoquée, ne suffit pas à rendre le système robuste (par exemple : l’Etat fait moins assumer les investissements par son entreprise publique puisqu’il en assume 40% cette année, mais la moitié provient de l’AFITF – Agence de financement des infrastructures de transports de France – dont le « reste à payer » s’accumule depuis plusieurs années et atteint désormais 12,3 G€).
Sur le modèle économique ferroviaire, aucune critique n’est produite sur le pillage des fonds publics par la sous-traitance et les PPP.
La CGT considère qu’il faut trouver des ressources pérennes pour financer 100% des investissements dans les infrastructures ferroviaires, comme cela se fait pour le mode routier. C’est une condition d’un véritable report modal.
Concernant les contreparties sociales que le Gouvernement voudrait imposer aux cheminots en échange du désendettement du système, la CGT considère qu’ils ont déjà largement contribué au travers de l’utilisation des richesses créées par leur travail (en 2018, 2G€ d’excédent seront utilisés au financement des investissements).
Il serait donc inacceptable que les cheminots ou les usagers soient à nouveau mis à contribution. La CGT n’acceptera aucune attaque sur le régime spécial.
Enfin, la pression sur l’entreprise publique pour qu’elle finance les investissements à la place de l’Etat a un impact dramatique sur le service public, sa qualité, sa sécurité, puisqu’elle est contrainte de faire des économies sans fin sur les emplois nécessaires.
Cette année, 800 emplois auraient dû être créés à SNCF Réseau au regard du plan de charge des travaux à réaliser.
Au final ce sera 0 dans le meilleur des cas. Quel sera l’impact de ce déficit sur la qualité des travaux, les incidents et accidents ? Cela ne peut être que mauvais.D’autre part, une suppression de 2 056 emplois est programmée à SNCF Mobilités ce qui oblige à supprimer une partie du service rendu : fermetures de gares, suppression des contrôleurs, fermetures d’ateliers du matériel, horaires de trains inadaptés…
- L’ouverture à la concurrence apparaît au fil des discussions comme un élément purement dogmatique, qui ne résout rien, et va créer de nouvelles difficultés : profit des opérateurs à financer (dénommé pudiquement « modèle économique à trouver ») ce qui explique probablement l’orientation de désendettement telle qu’elle est envisagée, coordination des différentes interventions (gestion des circulations, accès aux gares, gestion des correspondances…) dans un contexte technique déjà tendu (nombreux travaux), dumping social prévisible (tel qu’on le constate au FRET, sans effet notable sur les prix mais plutôt dans l’optique d’accroître les marges des opérateurs).
- Cette situation aboutie à un véritable ras le bol des cheminots d’être mis au pilon en permanence : une succession de conflits locaux très fortement suivis a éclaté en fin d’année 2017 et début 2018, nous attendons une forte mobilisation à la manifestation du 8 février, à laquelle participeront également 9 délégations étrangères pour témoigner de l’effet de la concurrence et/ou de la privatisation. Il y aura également une présence d’associations d’usagers pour confirmer leur attachement au service public ferroviaire, ainsi que des délégations de soutien d’autres corporations, elles aussi concernées par la même politique (transports publics/RATP, énergie, métallurgie au travers de délégation des salariés des constructeurs Alstom et Bombardier).
- La CGT souhaite dénoncer la politique anti-ferroviaire du Gouvernement et surtout avancer ses propositions concrètes :
Tout d’abord les usagers doivent se réapproprier leur service public pour qu’il réponde réellement à leurs besoins. Cela suppose de mettre à leur disposition des instances prescriptrices ou décisionnaires dans lesquelles ils puissent influer sur la politique de l’entreprise publique et des autorités organisatrices.
Ensuite, les cheminots doivent être entendus pour réorienter l’entreprise publique sur une efficacité indispensable à la réponse à ces besoins exprimés par les usagers :
- Il faut cesser la purge sur les emplois et les moyens, et au contraire créer ceux qui sont nécessaires (l’amélioration de la qualité de production, la réinternalisation de charges de travail sous-traitées et la pérennisation d’emplois précaires ne sont pas nécessairement que des coûts et peuvent aussi être des gisements d’économie) ;
- Il faut refondre complètement l’organisation de la production pour casser les logiques clients-fournisseurs et les conflits d’intérêts qui se sont créés entre les services (création de structures de production territoriales multi-activités pour coordonner et mutualiser l’ensemble des ressources nécessaires à la production du train sur un bassin de vie, renforcement des lignes métiers pour développer les compétences et accroître la productivité « hors coût », intégration structurelle de la sécurité dans les processus de décision)… Cela suppose de revenir à une entreprise unique et intégrée ;
- Enfin, il faut trouver des financements pérennes pour l’infra et le développement des services publics fret et voyageurs (fléchage TIPP, élargissement versement transport, renationalisation des concessions autoroutières, etc…).
De ce fait, la transposition du règlement OSP en droit français doit s’appuyer sur l’article 5 paragraphe 4bis qui prévoit la possibilité d’attribution directe à un opérateur public aux deux conditions d’un objectif d’amélioration du service et de spécificité des caractéristiques techniques du réseau. La SNCF doit donc être confirmée comme entreprise publique unique et intégrée pour améliorer le service public et faire face à la dégradation avancée du réseau qui nécessite au moins 20 ans de travaux intensifs.
Alors que la CGT n’a pas trouvé d’interlocuteurs capables de lui démontrer l’efficacité des mesures projetées ou l’inefficacité des propositions qu’elle porte, si le Gouvernement passe en force, les cheminots sauront réagir à la hauteur des attaques.