Info luttes n°40
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Les cheminots vont entrer dans leur 42ème jour de grève.
Cette grève historique a débuté le 5 décembre 2019 sur 2 thématiques : les revendications professionnelles d’entreprise et de branche, et la réforme des retraites.
Le rapport DELEVOYE est paru en juillet 2019.
Il matérialise le projet Macron-Delevoye, qui est un système de retraites par comptes-notionnels à la suédoise, à la différence qu’il est libellé en points pour troubler la perception.
En Italie et en Suède qui ont fait ce choix de société, la situation des retraités n’a pas cessé de se dégrader depuis. En Belgique, le gouvernement confronté à un mouvement social de grande ampleur, a été contraint en 2018 de retirer son projet similaire à celui porté par le Gouvernement français.
Le rapport préconise notamment :
• Une réforme qui s’appliquerait aux populations à partir de la génération 1963 (génération 1968 pour les salariés dont l’âge légal de départ est de 57 ans, 1973 pour ceux dont l’âge légal de départ est 52 ans) ;
• La suppression des régimes spéciaux ;
• La mise en place d’un système « universel » de retraite par comptes-notionnels libellé en points ;
• Une répartition de l’espérance de vie 1/3 en retraite pour 2/3 en activité. C’est-à-dire que chaque année d’espérance de vie moyenne gagnée entraînerait mécaniquement un allongement de 8 mois de la durée d’activité ;
• Un âge de référence de 64 ans, avec 5 % de pénalité par année manquante. Il est prévu que cet âge pivot passera progressivement à 66 ans (en 2040) en fonction de l’évolution de l’espérance de vie. A mesure que l’espérance de vie augmente, en partant toujours au même âge, la pension sera moindre, même avec le même nombre de points;
• Que les pensions liquidées soient toujours revalorisées sur la base de l’inflation alors que selon les projections du COR, sur cette base, les pensions augmenteront de 52 % d’ici 2070 alors que les salaires augmenteront de 139 % ;
• Des cotisations sociales figées et inégales entre salariés et professions libérales, commerçants… pour qui elles seront moindres ;
• Une « règle d’or » qui assujettit les niveaux de pension à l’équilibre budgétaire lui-même contraint par l’interdiction d’augmenter les cotisations. Il s’agit d’un système à cotisations définies donc c’est le niveau des pensions qui supporte le risque budgétaire. Il n’y a donc aucune visibilité du niveau de pension à un âge donné ;
• La réduction de tous les mécanismes de solidarité : prise en compte réduite des périodes de maladie, de perte d’emploi, de maternité, remise en cause du principe de réversion…
En 2018, à l’occasion de la réforme du ferroviaire, Elisabeth BORNE, Ministre des transports, Edouard PHILIPPE, Premier ministre suppléant les carences de sa Ministre des transports et Jean-Baptiste DJEBBARI alors député et rapporteur du projet de loi, s’étaient engagés auprès des cheminots, à grands renforts médiatiques, à ce que leur régime spécial de retraite leur soit maintenu, même en cas de changement d’employeur ferroviaire.
Le rapport DELEVOYE, et les interventions du Gouvernement dans les épisodes suivants renient cet engagement pour plus de 40 000 cheminots nés après 1980.
Ce Gouvernement ne poursuit qu’un seul objectif : régression sociale, cadeaux au capital et ambition personnelle. Ses engagements se limitent à ces domaines.
Le retour de la démagogie
L’intervention très médiatisée du Premier ministre reprend les éléments du rapport DELEVOYE avec la même démagogie éhontée :
• Le projet serait le fruit de la concertation : le Premier ministre confond pourtant rencontre et concertation. En effet, la CGT a participé à l’ensemble des réunions avec le Haut-Commissaire, sans que les revendications portées par la CGT soient néanmoins entendues.
• Le projet maintiendrait le principe de la répartition : oui en théorie, mais nettement moins en réalité. Les cotisations des actifs serviront certes au paiement des pensions, c’est en cela que le système est par répartition. Cependant, en ne garantissant pas la réponse aux besoins par des niveaux de pensions suffisants, et en engageant une baisse générale des pensions, le projet du Gouvernement incite fortement à la capitalisation individuelle ou collective (plan épargne retraite…). C’est pour cette raison que les institutions financières telles que les fonds de pensions américains (Blackrock notamment) sont satisfaites du projet.
• Le projet scellerait un nouveau « Pacte entre générations » : il s’agit d’une remise en cause du projet de Sécurité Sociale à la création de laquelle la CGT a largement contribué. Par son projet, le Gouvernement demande aux générations actuelles, héritières de notre système de retraite, de renoncer à l’améliorer et d’interdire aux générations futures de pouvoir partir en retraite à un âge décent avec une pension suffisante.
• Le projet serait juste car il supprime les régimes spéciaux : l’argument démagogique par excellence car c’est le déséquilibre démographique des régimes spéciaux qui entrave le versement des pensions actuelles. Supprimer ces régimes et les verser dans le régime universel c’est reporter la charge de ces pensions sur le régime universel plutôt que sur l’État responsable des politiques de l’emploi. C’est donc peser sur l’équilibre du régime et les pensions.
• Le projet serait « responsable » car il repose sur une « règle d’or » budgétaire : faire de l’équilibre budgétaire une priorité sur les droits à retraite tout en figeant le niveau des cotisations et en maintenant les exonérations, c’est faire le choix d’un abaissement généralisé et continu des niveaux de pensions…
La fausse révolte de la CFDT
Le Premier ministre a enfin tenté de convaincre de la nécessité d’un âge d’équilibre, incitant les actifs à travailler plus longtemps pour «préserver les générations futures».
L’avènement de cette exigence éminemment patronale sonne cependant comme un scenario orchestré avec la CFDT.
Il est en effet patent que cette mesure, parfaitement inutile, a été intégrée par le Gouvernement, à la fois pour satisfaire le patronat en assénant la nécessité d’un report de l’âge de départ à la retraite, mais également en forme de point d’excès voué à être ensuite retiré au profit de l’inaction revendicative de certaines organisations syndicales.
C’est une pratique courante visant à promouvoir le syndicalisme dit « réformiste ».
Un nouveau faux-espoir
Dans un énième geste d’apaisement feint, le Premier ministre adressait le 11 janvier un courrier aux organisations syndicales dans l’objectif principal de permettre à ses alliés syndicaux de valoriser une sortie concertée du conflit.
Ce courrier ne remet rien du projet en cause. En revanche, il ordonne aux confédérations syndicales réformistes de souscrire aux propositions du patronat et du Gouvernement en 4 points principaux :
1. Maintien du projet de réforme ;
2. Instauration dans la loi d’une exigence d’équilibre budgétaire ;
3. Maintien d’un âge d’équilibre dans la loi qui pourrait être mis en oeuvre plus tardivement que 2022 ;
4. Ouverture d’une « conférence sociale » regroupant organisations syndicales, patronales, État et Cour des comptes avec pour consigne de proposer les mesures permettant d’atteindre l’équilibre financier en 2027 sans augmenter les cotisations sociales ni abaisser les niveaux de pension. Donc l’objectif unique est de repousser l’âge de départ à la retraite.
La menace du fantôme de l’âge pivot
Le Premier ministre brandit la menace de l’âge pivot dans le cas où les organisations syndicales ne cèderaient pas à l’allongement de la durée d’activité.
Le MEDEF contre-attaque
Le MEDEF profite de l’occasion qui lui est donnée pour venir soutenir le projet droitier du Gouvernement, exigeant au passage :
• L’allongement de la durée d’activité ;
• Le maintien des exonérations et baisses de cotisations sociales, dites patronales.
Le Gouvernement envisage de soumettre le projet de loi au Parlement à partir de fin février et espère une adoption définitive de la loi avant fin 2020.
Au regard de l’inconsistance caricaturale des interventions médiatiques des parlementaires de la majorité et du choeur des éléments de langage qu’ils représentent, nul doute que le rôle qu’ils joueront à l’Assemblée Nationale sera très éloigné de l’intérêt des français en majorité hostiles au projet.
Ce projet est hautement nocif depuis sa genèse dans le programme du candidat Macron. Ce projet est un désastre social sans précédent qui fait fi des réalités sociales, de la construction de la Sécurité Sociale et des besoins des salariés.
Ce projet doit être combattu et retiré. Force est de constater que le Gouvernement ne connaît que le rapport de force. Il est donc impératif désormais d’élargir le rapport de force, de l’amplifier, de convaincre chaque cheminot, chaque salarié, de rejoindre ou poursuivre le mouvement.
Tous en grève et dans les manifestations le 16 janvier !
Faisons-en sorte que chaque cheminot puisse demain dire aux générations futures : « je suis ton père ou ta mère et j’ai sauvé ta retraite ! »
Pour être plus fort, adhérez à la CGT !
https://www.cheminotcgt.fr/adherer/
*Conseil Economique Social et Environnemental