PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE OBLIGATOIRE : TOUS PERDANTS !
Des négociations d’entreprise se sont ouvertes autour de la protection sociale complémentaire obligatoire des cheminots.
La direction d’entreprise projette à cette occasion d’imposer la vente forcée d’une assurance santé et d’une assurance décès aux cheminots du cadre permanent.
Même si la Direction propose une participation à hauteur de 65 % (uniquement pour les frais de santé), derrière la promotion se cachent des dangers.
De quoi s’agit-il ?
Les négociations qui viennent de s’ouvrir portent sur les trois accords concernant la protection sociale complémentaire des personnels contractuels : le maintien de salaire en cas de maladie, les frais de santé et l’invalidité-décès.
Les personnels contractuels sont confrontés, depuis le 1er janvier 2016, à une obligation légale de contracter l’assurance santé de leur entreprise.
La CGT est signataire de ces trois accords avec l’objectif de limiter l’impact de ces assurances obligatoires sur le budget familial des cheminots déjà mis à mal par les politiques salariales.
Les négociations engagées ont pour but de pouvoir lancer l’appel d’offres européen pour renouveler, dans les délais légaux, l’assureur (aujourd’hui, Malakoff Humanis).
80 % des cheminots actifs statutaires sont adhérents volontaires d’une mutuelle cheminote. 20 % ont donc fait le choix de ne pas adhérer à une mutuelle.
En revanche, 95 % des retraités actuels sont adhérents d’une des mutuelles cheminotes.
Ces quelque 210 000 cheminots retraités et leur conjoint bénéficient de mécanismes de solidarité intergénérationnelle internes aux mutuelles cheminotes qui permettent de partager le financement des risques avec les actifs.
Si les mutuelles cheminotes venaient à être vidées des cheminots actifs du cadre permanent, les frais de gestion se concentreraient sur une population moindre, et les retraités ACTUELS et À VENIR supporteraient seuls les dépenses. Il en résulterait une augmentation d’environ 20 euros par mois et par personne des cotisations mutualistes actuelles.
Le projet de la Direction
La direction SNCF veut profiter de ces négociations pour remettre sur la table son projet d’imposer aux cheminots du cadre permanent :
- une assurance santé obligatoire, sans choix du niveau de prestations, pour un montant moyen évalué à 80 euros (dont 30 euros déduits directement du salaire du cheminot). Cette assurance ne couvrira pas le conjoint du cheminot.
Par ailleurs, la cotisation pour cette assurance sera composée d’une base forfaitaire identique pour tous les cheminots, quel que soit leur salaire, puis un pourcentage du salaire plafonné à partir de 3 666 euros de salaire.
Ces deux dispositifs (la part forfaitaire identique + le plafonnement de la cotisation) servent à instaurer une solidarité financière des plus bas salaires vers les plus hauts ! La Direction veut donc imposer des dépenses supplémentaires obligatoires aux cheminots, tout en demandant aux plus bas salaires de payer 2 euros supplémentaires par mois pour faire économiser 15 euros aux 15 % de cheminots ayant un salaire supérieur à 3 666 euros ; - une assurance capital décès obligatoire pour un montant de 9 euros par mois déduits du salaire du cheminot statutaire.
Ces montants sont des estimations fournies par la Direction, qui ne se livre à aucun chiffrage précis et définitif de l’impact sur les cheminots, renvoyant aux devis à venir des assureurs.
Comment la Direction veut récupérer l’argent qui n’est pas le sien ?
Rappelons que la participation de l’entreprise au financement de ces assurances obligatoires provient des richesses produites par le travail des cheminots. Il ne s’agit donc pas d’un cadeau !
Ensuite, la direction d’entreprise refuse d’améliorer les droits des cheminots statutaires, notamment en modifiant le chapitre 12 du Statut pour supprimer le passage en demi-solde après 184 jours d’absence maladie, ou encore en intégrant la totalité des primes de travail, de traction et autres éléments de rémunération dans l’assiette du salaire maintenu en cas de maladie.
Même si elle s’en défend aujourd’hui, la Direction a toujours dit qu’elle ne financerait pas à la fois une assurance obligatoire et la médecine de soins interne à la SNCF. La menace est donc réelle. 46 cabinets médicaux ont été fermés en 6 ans, passant de 101 en 2017 à 65 en 2023, avec une prévision de suppression de 9 cabinets cette année, en perspective de la mise en oeuvre des assurances santé obligatoires.
La Direction vise également un transfert des dépenses du régime spécial des cheminots (financé à 90 % par les cotisations dites « employeur ») vers les assurances obligatoires qui lui coûteront moins cher.
Le régime spécial menacé !
Depuis plusieurs années, les gouvernements droitiers transfèrent la prise en charge des frais de santé de la Sécurité sociale vers les assurances privées.
Le chiffre d’affaires des organismes complémentaires a augmenté de 120 % en 20 ans, alors que celui de la Sécurité sociale n’a progressé que de 75 %. Parmi ces organismes complémentaires, le nombre de mouvements mutualistes a été divisé par 10 en 25 ans, laissant la place aux fonds d’assurance.
Dernièrement, le gouvernement a annoncé sa volonté de réduire la prise en charge des soins dentaires par la Sécurité sociale de 70 à 60 %, renvoyant le financement vers les complémentaires santé et donc vers la cotisation des salariés. En effet, tout transfert s’accompagne nécessairement de besoins de financement des complémentaires santé et donc d’une hausse des cotisations.
Jusqu’à présent, le régime spécial des cheminots était relativement préservé par ces transferts, et les taux de remboursement du régime variaient peu au regard de l’absence de couverture complémentaire obligatoire vers laquelle transférer les prestations.
Le projet patronal est donc une menace à cet égard.
Tous les cheminots paieraient très cher ce projet !
Globalement, les dépenses de santé sont accrues en ajoutant des étages complémentaires, dont les frais de gestion sont jusqu’à 20 fois supérieurs à ceux de la Sécurité sociale.
Individuellement, 1 euro de prestation santé coûte aujourd’hui 32 fois moins cher à un cheminot affilié au régime spécial qu’à un cheminot affilié au régime général avec assurance santé obligatoire.
L’intégration des agents du cadre permanent dans les contrats d’assurance obligatoire se solderait pour les cheminots contractuels actuels à :
- une hausse de l’ordre de 7 à 11 euros de la cotisation mensuelle frais de santé pour les cheminots « isolés » (60 % des cheminots contractuels actuels) ;
- une hausse de 76 euros par mois pour pouvoir assurer un conjoint sans emploi, en raison de l’exclusion du conjoint du contrat ;
- une hausse de l’ordre de 8 euros par mois pour un couple de cheminots puisque les deux cheminots du couple devraient désormais adhérer chacun à l’assurance santé obligatoire…
Enfin, à son arrivée en retraite, un salarié est exclu du régime obligatoire et ne bénéficie plus de la participation « entreprise » de 65 %.
La Direction envisage de négocier un contrat spécifique retraités à tarif préférentiel avec un assureur. Elle l’envisage même pour les retraités actuels du cadre permanent, condamnant ainsi les mutuelles cheminotes. Compte tenu des effets de l’âge sur le tarif assurantiel, nous pouvons considérer qu’il en coûterait au minimum 100 euros par mois et par personne au cheminot retraité pour pouvoir se couvrir.
Pour financer la couverture des plus basses pensions, la Direction envisage de créer un fonds financier dans lequel chaque cheminot actif, contractuel ou statutaire devrait verser 4 euros par mois de manière obligatoire. Pas un centime ne sera versé par le patronat.
Une charge financière supplémentaire imposée aux cheminots pour réparer les dégâts du projet de la Direction ! C’est le patronat qui casse, et les cheminots qui paient !
Synthèse du projet d’accord patronal
Le projet d’accord soumis par l’entreprise contient :
- le principe d’imposer aux cheminots du cadre permanent des assurances obligatoires ;
- aucun chiffrage définitif sur le coût supplémentaire direct engendré pour les cheminots ;
- le refus d’améliorer les droits statutaires à hauteur des besoins ;
- le refus de traiter les conséquences financières de l’inaptitude sécurité des cheminots ;
- le refus de financer les prestations spécifiques non pérennes du régime spécial à hauteur de 90 % comme toutes les autres prestations, passant à 60 % ;
- une ponction de 4 euros par mois sur le salaire des cheminots actifs pour atténuer les dégâts du projet patronal…
Ce projet contient une multitude de promesses de bonnes intentions patronales et aucun engagement pour les droits des cheminots.
C’est donc un blanc-seing que le patronat sollicite pour parfaire son oeuvre de déconstruction !
La CGT revendique des droits pour les cheminots, pas des obligations !
Pour rappel, les cheminots du cadre permanent, qui bénéficient des droits statutaires et du régime spécial, sont soumis à « un statut particulier » et sont donc préservés de l’obligation de protection sociale complémentaire par une exception prévue par la loi (articles L.911-1 du Code de la sécurité sociale et L.2333-1 et suivants du Code du travail).
Le régime spécial de prévoyance des cheminots, conjugué à l’accès à la médecine de soins généraliste et spécialiste, apportent indéniablement une meilleure réponse aux besoins de santé, basée sur la prise en compte des contraintes professionnelles spécifiques et financée à partir de cotisations spécifiques.
Le régime spécial de prévoyance est financé par les cotisations sociales des cheminots, contrepartie de leur travail. 90 % des cotisations sont dites « patronales » et n’influent donc pas sur le salaire net du cheminot.
C’est pourquoi la Fédération CGT des cheminots revendique l’extension du régime spécial des cheminots à l’ensemble de la branche, pour une protection sociale de haut niveau, la défense du pouvoir d’achat des cheminots par des augmentations générales des salaires et une plus grande unité sociale intergénérationnelle.