Lettre ouverte au directeur des RH de la SNCF concernant l’accord Télétravail au GPF
Lettre adressée le 7 juillet à Monsieur Jean-Marc Ambrosini, Directeur des Ressources Humaines de la SNCF.
Objet : Accord Télétravail au GPF
Monsieur le Directeur,
La Commission Exécutive de la Fédération CGT des Cheminots, instance démocratique de décisions, a examiné le texte soumis à signature au sujet du télétravail à la SNCF. Elle considère qu’il dégrade, au global, les droits actuels et comporte des dispositions moins favorables que le code du travail et l’Accord National Interprofessionnel de 2005 sur le télétravail.
Pour mémoire, la CGT est signataire de cet ANI, comme l’ensemble des confédérations syndicales et le MEDEF auquel la SNCF est affiliée.
Le 43ème congrès de notre Fédération, qui s’est tenu du 17 au 20 janvier 2017, a adopté les revendications pour encadrer le télétravail afin qu’il soit protecteur de la santé, physique, mentale et sociale des cheminots.
Si le télétravail est une organisation du travail qui séduit les salariés, nous savons, vous comme nous, qu’il peut être source d’isolement et de confusion concernant la frontière entre la vie professionnelle et personnelle.
Nos revendications ont pour objectif de combattre les risques du télétravail et d’en faire une organisation du travail qui respecte la vie des salariés.
Or, le projet d’accord proposé à signature ne reprend pas nos revendications. Il n’apporte pas non plus de solutions autres pour préserver les cheminots de l’isolement.
Il y a certes, par rapport au texte (unilatéral) RH 0942, des nouvelles formules souples qui pourront apporter des réponses aux attentes des cheminots mais aussi aux directions. Attentes qui peuvent être contradictoires.
Ce projet acte également la dégradation du droit puisque vos juristes ont utilisé toutes les possibilités de l’Accord National Interprofessionnel de 2005 pour les adapter sur des dispositions moins favorables.
À titre d’exemple :
- La réversibilité : L’ANI 2005 prévoit que la mise en place, comme la fin du télétravail, sont soumises à l’accord du salarié.
Or, l’accord d’entreprise soumis à signature prévoit que « le responsable hiérarchique peut résilier l’avenant au contrat de travail, sous réserve d’en motiver la décision et d’en aviser l’autre partie par écrit, (…) à tout moment ».
Votre texte régressif fragilise l’agent télétravailleur. Une décision unilatérale de l’employeur non négociable peut défaire l’organisation de la vie du cheminot, ce qui représente un levier de pression inacceptable.
- La prise en charge : L’ANI 2005 prévoit « Sous réserve, lorsque le télétravail s’exerce à domicile, de la conformité des installations électriques et des lieux de travail, l’employeur fournit, installe et entretient les équipements nécessaires au télétravail (…).
Or, l’accord soumis à signature prévoit 100 euros pour l’achat de bureau, fauteuil… sur présentation de facture et un forfait de 15 euros mensuels pour la connexion téléphonique et internet.
Hormis les problèmes d’ergonomie du poste de travail, votre accord est régressif puisque vous devez fournir et installer tout le matériel nécessaire.
De plus, vous jugez bon d’y ajouter une clause qui peut mettre le cheminot en difficulté : « Le télétravail sera suspendu en cas d’indisponibilité temporaire du matériel rendant impossible l’exercice du télétravail. »
De plus, l’article L. 1222-9 précise : « A défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail. ». Or cet accord, s’il devient valide, supprime la mise en place des modalités du contrôle du temps de travail.
Les exigences de la CGT étaient :
- Le renforcement du caractère volontaire ;
- Le développement des sites de proximité (en priorité dans les gares) ;
- La réversibilité à la main du salarié ou à la date anniversaire ;
- Le décompte des heures de travail ;
- Les plages horaires et l’exclusion du travail du samedi, dimanche et fêtes ;
- La fourniture du matériel bureautique ;
- L’avis du CHSCT dont le médecin du travail.
La Fédération vous demande donc de rouvrir la négociation, alors que la totalité des confédérations syndicales de salariés et patronales s’est engagée dans un rapport commun pour rediscuter de l’ANI 2005 afin de l’améliorer. Il serait irresponsable de valider un accord moins disant.
Vous avez choisi d’obtenir un accord validé par des organisations syndicales minoritaires (représentant 30% du personnel) qui n’ont pas voulu voir que l’accord d’entreprise est moins favorable au prétexte que le télétravail est populaire.
Comptant sur votre sens des responsabilités dans l’intérêt des télétravailleurs, nous vous demandons de revoir le texte pour protéger leur santé.
Nous savons que vous cherchez à développer le télétravail pour adapter l’entreprise à vos choix structurels :
- Centralisation des directions sur les capitales des nouvelles grandes régions ;
- Volonté de réduire les locaux de travail en région parisienne notamment ;
- Gagner en productivité.
Notre Commission Exécutive Fédérale constate que :
- Cet accord n’est pas nécessaire à la mise en place du télétravail ;
- Cet accord inscrit dans le marbre des décisions unilatérales de l’entreprise inferieures aux droits des salariés inscrits dans l’ANI 2005 ;
- Cet accord retire donc des droits aux cheminots ;
- Cet accord instaure un nouveau levier de pression sur les cheminots pour les contraindre à accepter les choix politiques de la Direction.
Dans ce cadre et si par manque de lucidité, vous décidez de rester dans votre posture rigide, la CE Fédérale nous a mandatés pour protéger les cheminots télétravailleurs afin qu’ils puissent prévaloir des protections apportées par l’article L. 1222-9 du code du travail et l’ANI du 19 juillet 2005.
Dans l’attente d’une réponse, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos respectueuses salutations.
Jocelyn PORTALIER
Secrétaire Fédéral