Courrier fédéral adressé à M. Jean-Pierre Farandou
Crise sanitaire
Montreuil, le 31 mars 2020
M. Jean Pierre FARANDOU
Président du directoire de SNCF
Président-directeur général de SNCF Mobilités
Monsieur le Président,
Après deux semaines d’intensification de la crise sanitaire que vit le pays, la CGT souhaite vous interpeller sur plusieurs sujets.
Tout d’abord, comme à l’occasion d’autres crises récentes, nous avons pu, une nouvelle fois, constater que l’organisation de la Direction SNCF s’avère défaillante.
Grâce à la présence locale de nos syndicats, nous avons fait remonter dès le début de multiples problèmes.
Une partie d’entre eux pourrait être résolue plus rapidement si l’entreprise disposait, à l’échelle des bassins d’emploi, d’un représentant de l’activité qui travaille sous l’autorité d’un coordinateur général, lui-même en lien avec la DRH groupe.
En effet, nous faisons les constats suivants :
- Le temps perdu (parfois plusieurs jours) entre des décisions centrales, le passage dans toutes les strates des activités et leur arrivée sur le terrain ;
- Le manque de solidarité entre activités lié à des choix, des moyens, une organisation ou des informations différentes ;
- La confusion, voire parfois les contradictions, entre les directives centrales et celles des activités ;
- L’engorgement de certaines directions très éloignées du terrain qui s’avèrent incapables de répondre aux multiples sollicitations de l’encadrement local.
Un processus plus direct de décision entre l’échelon national et local, et un moyen de coordination et d’harmonisation, paraissent absolument nécessaires.
Dans l’urgence que vivent les cheminots, cette organisation plus efficace ne doit pas être retardée. C’est pourquoi, nous vous sollicitons pour obtenir la désignation des coordinateurs généraux, avec le pouvoir nécessaire, pour que l’entreprise puisse être plus réactive.
Dans la même logique, nous constatons qu’un travail sur les gestes métiers est nécessaire (notamment pour y intégrer les gestes barrières) mais qu’il nous manque des interlocuteurs en la matière pour que les procédures décidées soient applicables à l’ensemble des SA. Ils ont parfois été purement supprimés comme la Direction des Trains.
Ensuite, le taux de prévalence chez les cheminots, 8 fois plus important que dans le reste de la population selon nos calculs, probablement lié à notre activité qui nous place en contact avec de nombreuses personnes, justifie tout à fait des mesures exceptionnelles de confinement. C’est pourquoi nous avons demandé que la production soit strictement limitée aux besoins essentiels de la population, du réseau, et de la sécurité.
Dans ces conditions, FRET SNCF, SNCF Réseau ainsi que SNCF Voyageurs, restent particulièrement opaques dans leurs choix.
Peut-on considérer que des trains de galets ou de voitures sont indispensables ? De même, la concurrence doit-elle se faire sur le dumping sanitaire ? Doit-on remettre en place des moyens (sillons de dernière minute par exemple) pour faire circuler ce genre de trains produits par des EF privées ? Doit-on rétablir coûte que coûte les accueils embarquements ?
Par ailleurs, SNCF Réseau se justifie par les pressions de l’Etat pour reprendre un certain nombre de chantiers.
Comment les cheminots doivent-ils interpréter les « chantiers tests » que la Zone de Production Atlantique prépare en affirmant qu’ils permettront de voir si on peu respecter les gestes barrières tout en reprenant les travaux d’investissements ! Sommes-nous des cobayes ? La CGT ne peut pas accepter cette contradiction entre les annonces rassurantes de la DRH groupe, et les annonces inquiétantes faites par SNCF Réseau.
Nous souhaitons que la clarté soit faite sur le caractère indispensable des tâches maintenues, avec pour premier souci la santé et la sécurité des cheminots.
Concernant les mesures sanitaires nous vous demandons également que des tests systématiques puissent être pratiqués sur les cheminots qui sont amenés à ne pas être confinés. En effet, c’est la seule mesure qui nous semblerait efficace contre la contagion en cascade comme elle se produit dans les collectifs de travail. Sur la Région de Tours des cheminots « porteurs sains » ont ainsi contaminé leurs collègues d’équipe et nous ne nous en sommes apparus que lorsque certains de ces collègues ont développé des formes graves de la maladie. Ces contaminations auraient pu être évitées si des tests avaient permis de confiner les « porteurs sains ». Nous savons que la décision d’accès aux tests dépend des pouvoirs publics. Nous vous demandons donc de les interpeller pour que les cheminots bénéficient de ces tests et ne soient pas oubliés comme ils l’ont été pour les masques.
Enfin, au-delà de la gestion de la crise, il faut en anticiper la sortie.
A ce titre, la CGT est fortement préoccupée par 2 aspects :
- La production et les choix qui seront faits concernant son organisation,
- L’impact social sur les cheminots qui ne doivent pas subir de double peine.
Sur le premier point, les Conseils Régionaux ont été informés que les lignes de desserte fine ne rouvriraient que 4 à 8 semaines après la fin du confinement.
Nous contestons formellement cette prévision qui péjorerait gravement les utilisateurs de ces lignes et les territoires qu’elles desservent.
Les impératifs techniques de remise en circulation après une interruption de plus de 72h ne peuvent nullement aboutir à de tels délais.
Il s’agit donc plus probablement d’une difficulté de SNCF Réseau à rattraper la maintenance repoussée dans la période de confinement.
Nous mesurons à quel point la pression permanente sur l’emploi est nocive.
La CGT considère donc qu’il faudra mettre des effectifs supplémentaires pour affronter les conséquences de cette crise et qu’en attendant, tous les travaux d’investissement qui ne sont pas directement liés aux ralentissements ou à la sécurité (par exemple le CDG Express), doivent être repoussés afin de concentrer les moyens humains sur le manteau et la réouverture de toutes les lignes.
Concernant le second sujet, nous dénonçons avec force la mise en œuvre des ordonnances de la loi d’urgence sanitaire. Les salariés sont victimes de la maladie. Par leur travail, ils permettent d’assurer le service public dont le pays a besoin malgré les risques. Ceux qui sont confinés se protègent mais protègent aussi la collectivité conformément aux directives des pouvoirs publics. Et ce sera à nouveau le travail des salariés qui relancera l’activité économique après la pandémie.
Pour la CGT, ça ne peut donc pas être les salariés qui payent le coût de la crise. Ils doivent pouvoir continuer à percevoir l’intégralité de leur salaire et ne doivent pas se voir privés de leurs congés ou de leurs repos compensateurs.
Sur l’ensemble de vos sujets, Monsieur le Président, la CGT et les cheminots attendent les réponses de la Direction SNCF à la hauteur de la bienveillance qu’ils méritent par leur investissement sans faille.
Dans l’attente de vous lire, veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes respectueuses salutations.
Laurent BRUN
Secrétaire Général